Hommage à Pierre Clément (1906 - 1970)

L'Archéophone qui a été conçu à partir du bras tangentiel de la platine A1B, doit beaucoup à Pierre Clément, l'inventeur de cette platine (cf. article L'Archéophone..., dans la Revue du Musée des Arts et Métiers, n°27, juin 1999). Pour ma part, je témoigne également ma reconnaissance à Patrick Louvet, qui m'a orienté et aidé avec patience et compétence.

Cet hommage à Pierre Clément vise aussi à exposer et proposer des moyens possibles d'employer aujourd'hui le meilleur du matériel Clément à la lecture des disques monophoniques, vinyle et 78 tours.

Pierre Clément fut en France une des plus éminentes figures de l'électro-acoustique, et plus particulièrement le meilleur spécialiste des délicats problèmes soulevés par la lecture fidèle des gravures phonographiques. Il reçut sa formation d'électro-mécanicien à l'école du Conservatoire National des arts et Métiers. Dès son entrée chez Chauvin-Arnoux, constructeur d'appareils de mesure chez qui il débuta, il commencait à s'intéresser aux applications sonores de l'électronique. C'est ce qui l'amenait dès avant 1930 à se tourner vers l'industrie cinématographique, en travaillant aux établissements "Debrie", avant de se familiariser plus complètement aux techniques phonographiques pendant les sept années où, collaborateur des établissements "Carbobronze" (alors importateur des tourne-disques professionnels "Dual"), il s'intéressa tout particulièrement aux têtes de gravure.

En 1938, Pierre Clément, installé à son compte, fabrique des récepteurs radio ; mais les pratiques d'émission l'attirent et il entre aux "Laboratoires Radio-électriques du Centre", où il demeurera jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. C'est à cette époque qu'il conçoit et met au point un graveur de disque original, qu'il se refuse toutefois à fabriquer avant la fin des hostilités, mais qui obtient d'emblée, en 1944, les faveurs des services officiels de radiodiffusion.

A partir de cette date, Pierre Clément ne cessera plus de travailler pour la radio et la télévision française, et sa renommée technique, comme sa haute conscience professionnelle, lui attirent vite la clientèle fidèle des discophiles soucieux de qualité, dont la patience fut parfois mise à rude épreuve, mais qui savaient apprécier une belle mécanique dont il n'existait pas tellement d'équivalent, en quelque pays que ce soit.

La renommée de Pierre Clément, commencée avec les graveurs de disques et les machines à graver, dont il y eut plusieurs dizaines construites à l'intention des premiers amateurs d'enregistrements et chasseurs de sons, allait se continuer avec la remarquable série des phonolecteurs, d'abord électrodynamiques (Modèles D1, D2, D3), puis magnétiques à palette mobile (ou à réluctance variable), dont il allait y avoir 8 modèles successifs, de L1 à L8, progressivement perfectionnés, pour approcher d'aussi près qu'il était possible les impératifs techniques qu'impose la lecture fidèle des disques, d'abord standards [78 tours] puis microsillons [vinyles]. Avant l'avènement du microsillon, Pierre Clément avait déjà sérieusement commencé à réduire les masses en mouvement, au point d'abaisser la force d'application au voisinage de 10 grammes. Ce furent de tels phonolecteurs, complétés d'un saphir de 25µm, qui révélèrent à beaucoup la qualité potentielle des premiers disques microsillons, que les responsables américains de la "Columbia", davantage soucieux de relancer un marché stagnant, paraissaient avoir quelque peu sous-estimé.

L'Archéophone et les cylindres des indiens du Canada
Pierre Clément (1906 - 1970) dans son atelier.
Photo aimablement communiquée par M. Raymond Bernard.

Avec le modèle L4, Pierre Clément a sans doute fait l'un des meilleurs phonolecteurs monophoniques et il est dommage que cette remarquable réussite ait été commercialisée trop tard (peut-être par suite d'atermoiements de la RTF), car il y aurait gagné une renommée mondiale. Les Établissements Pierre Clément se consacraient surtout au matériel professionnel, dont la firme "Schlumberger" dès le milieu des années 1960, absorbait à elle seule près de 80% de la production. Mais l'imagination inventive était toujours en éveil, comme le prouve la très remarquable mécanique tourne-disque, à bras de lecture asservi [platines à bras tangentiel A1 puis A1B], dont Pierre Clément achevait la mise au point, quand se manifestèrent les premières atteintes du mal qui devait l'emporter. Cette magnifique mécanique constitue sa dernière contribution à l'art si difficile de la lecture phonographique.

D'après l'article de René Lafaurie (Revue du son, n°206-207, juin-juillet 1970).