Les publications d'archives sonores très anciennes se multiplient depuis quelques années, faisant appel à diverses techniques de reproduction. La toute récente restitution de la voix de Bismarck s'est faite grâce à l'Archéophone, une invention française qui permet depuis de nombreuses années la redécouverte des sons de milliers d'autres cylindres de cire. L'engouement tout récent de la recherche pour ces sons du passé s'explique du fait de leur valeur symbolique : ils constituent, à l'heure du fichier audio mp3, les premiers témoins de notre ère, celle de l'information. La multiplication de projets muséaux à travers le monde est une conséquence directe de cette sensibilisation, et un musée du son doit notamment s'ouvrir à Paris dans un avenir proche.
À travers trois campagnes de numérisation, l'explosion récente des découvertes dans le monde des archives abritant les sons les plus anciennement enregistrés continue outre-Atlantique. Après la spectaculaire restitution sonore (2008-2009), des phonautogrammes enregistrés de 1857 à 1860 par le français Edouard-Léon Scott de Martinville, après celle des enregistrements expérimentaux gravés sur disques de 1881 à 1885 au laboratoire Volta et conservés à la Smithonian Institution (décembre 2011), on annonce fin janvier 2012 les tout nouveaux transferts de quelques cylindres enregistrés par un envoyé de Edison en Europe en 1889.
Ceux-ci révèlent notamment les voix de Bismarck et Moltke, et leur restitution sonore a été rendue possible au moyen d'une invention française, l'Archéophone, lecteur universel de cylindres phonographiques. En octobre 1889, Theodor Edward Wangemann enregistra à Friedrichsruh les voix de Otto von Bismarck, et de Helmuth von Moltke, alors âgés respectivement de 74 ans et 89 ans. Ces cylindres longtemps oubliés dans les vastes locaux des laboratoires de Edison, devenus le Edison National Historic Site, à West Orange, New Jersey, ont été retrouvés, lus et numérisés. Leur contenu sonore est audible ici sur le site de West Orange et également sur le site du New York Times.
Ces trois campagnes de numérisation de sons vénérables ont été encadrées par des équipes américaines. Les deux premières par Patrick Feaster et l’équipe First Sounds, la troisième par Jerry Fabris, conservateur au Musée de West Orange qui, après lecture des cylindres par l'Archéophone, s’appuie sur l’expertise de deux historiens de l’enregistrement sonore : Patrick Feaster (Indiana University – First Sounds) et Stephan Puille (Hochschule für Technik und Wirtschaft Berlin).
Mais tandis que les sons des phonautogrammes de Scott de Martinville, ainsi que ceux des disques du laboratoire Volta, devaient être rendus par des moyens techniques avancés, les voix sur cylindres de Moltke et Bismarck ont été restituées au moyen d'une invention française, l'Archéophone, qui est un simple lecteur analogique, utilisé par les plus grandes archives sonores du monde. Si les techniques optiques, qui mettent scanners et ordinateurs à contribution, s’appliquent parfaitement à des documents plats qui portent une gravure à profondeur constante, elles ne peuvent encore s’appliquer à la lecture des cylindres, en particulier parce que leur gravure est en profondeur, « en montagnes russes ». En conséquence, les lecteurs analogiques pour cylindres du genre de l'Archéophone, restent encore à ce jour les plus appropriés pour la restitution sonore des enregistrements sur cylindres, en dépit des nombreux essais de lecture au laser qui sont restés infructueux à ce jour.
La multiplication de ces découvertes plus ou moins sensationnelles ne tient donc pas qu’à la maîtrise récente de technologies avancées, mais plus certainement à un intérêt croissant de la part de la recherche historique pour un sujet d'étude qui touche profondément à notre quotidien. Ces enregistrements sonores sont en effet les premiers témoins de l’aube de l’ère de l’information, induite par l’apparition des nouvelles technologies de communication. Ces technologies étaient élaborées par des inventeurs qui se battaient pour déposer des brevets et valider leurs recherches qui touchaient toutes à la maîtrise de la reproductibilité des signaux. Ces inventions, nommées télégraphe, téléphone, phonographe, cinéma, radio, ont façonné notre monde.
La multiplication des projets de musées qui mettent en scène cette histoire technique, industrielle et sociale, est donc une chose normale et attendue :
Henri Chamoux, expert auprès de la Direction du patrimoine et de l'architecture.